Oubliez la « malfringue », une autre mode est possible !

PAR CÉLINE MIHALACHI 4 JANVIER 2011

Pour Bastamag

Populariser la mode éthique. Tel est l’objectif que se sont fixés les stylistes et exposants du Salon de la mode éthique, à Paris. L’occasion aussi d’en finir avec les clichés d’un style baba cool ou moyenâgeux. Choisir une mode responsable, dans un milieu où la futilité est parfois de mise, c’est repenser des savoir-faire traditionnels, approcher différemment les matériaux, bref adopter d’autres valeurs. Rencontre avec ces créateurs.

Si vous entendez parler de « mode éthique », ne visualisez pas tout de suite une longue robe en chanvre bio cousue de manière rudimentaire, et renvoyant à quelque image moyenâgeuse de la femme. La « mode éthique », ce n’est pas de style dont il s’agit mais de mise en œuvre de fabrication. Et sur le sujet, il existe un manque cruel d’informations, de transparence, de législation, de principe de précaution, de recherche innovante… On ne « consomme » pas nos vêtements, mais on aimerait quand même bien savoir ce que l’on se met sur le dos et à quoi on s’expose !

L’Ethical fashion show ou « Salon de la mode éthique » a ouvert sa 7ème édition fin septembre à la Cité de la mode et du design. Son objectif ? « Décroûter » cette image de la mode éthique souvent assimilée à un style baba cool ou de fondamentaliste écolo. Le salon a rassemblé 89 exposants de 23 pays, pour partager les techniques, les connaissances et montrer les initiatives développées dans le monde entier.

Une mode connectée aux savoir-faire traditionnels

Transmettre, pérenniser, repenser des savoirs traditionnels sont les initiatives les plus répandues, dans l’idée de « mode éthique ». Andrea Oneto, styliste chilienne, a monté son entreprise Alpaca samka, avec une centaine de femmes Aymaras. « Nous travaillons avec l’alpaga qui provient de l’altiplano chilien, élevés depuis des millénaires par les Aymaras, explique-t-elle. Notre laine ne reçoit aucun traitement chimique, elle est 100% naturelle, exempte de pesticides, de dioxines et autres additifs utilisés dans l’industrie conventionnelle. » Les tarifs ? Il faut compter 110 euros pour un poncho en pure laine d’alpaga, tissé à la main, entre 40 et 60 euros pour des vêtements pour enfants, et jusqu’à 430 euros pour un manteau.

Les techniques traditionnelles sont revisitées par des stylistes. La ligne de sacs à main de Susan Wagner s’inspire des techniques de broderie péruvienne précolombienne : « après avoir redécouvert et appliqué ces techniques, nous continuons à composer de nouveaux mélanges avec des communautés, des ateliers et des artistes de différentes parties du Pérou », décrit-elle. Ces entreprises sont menées par des femmes, ce qui les rend particulièrement sensibles à la condition du travail féminin, à l’instar de Jenny Duarte. Cette styliste présente sur son site ses collaboratrices, les petites mains qui travaillent pour elle.

Comment transformer un parapente en robe de mariée ?

En France, Deux filles en fil traduit aussi cette volonté de maintenir un savoir-faire ancien : installée dans le Maine-et-Loire, département réputé pour la fabrication de la chaussure et du textile, l’entreprise a choisi de préserver le savoir-faire de ces secteurs dit sinistrés suite à de nombreuses fermetures et délocalisations d’usines. Comptez 42 euros la repoudreuse (étui à maquillage) et jusqu’à 139 euros le sac « Kaba » tout en cuir.

D’autres stylistes travaillent sur le recyclage de matériaux, comme Valérie Pache. Cette jeune femme, qui vit à Chamonix, a rencontré le « nylon de parapente » par hasard ! Au bout de 10.000 heures de vols, la toile des parapentes est trop usée. Et commence alors une nouvelle vie… « J’aime passionnément dévier les matières de leur fonction d’origine, les tester, les étudier, les adapter, les marier, les féminiser ou au contraire les rendre masculine », s’enthousiasme la créatrice. Elle crée des robes d’un jour, des robes éphémères. Le frottement du tissu de nylon en fait des robes « bruissantes ». Un son qui, dit-elle, plaît aux femmes ! Les prix varient selon le nombre d’heures de travail. Pour une robe de mariée sur mesure en modèle unique, il faut compter entre 1.000 et 3.000 euros, pour une création unique entre 500 et 1.600 euros. La robe de mariée-parapente : effet garanti !

Chez Collectif France Tricot, on joue avec la laine et le plaisir de tricoter, en dépoussiérant avec humour le cliché de la grand mère tricoteuse et l’idée que « faire du tricot c’est ringard ».

Portée par des valeurs et des idéaux

La mode éthique s’appuie sur une volonté de coopération Nord-Sud. Au sein de ces entreprises, les nationalités se mélangent : occidentaux passionnés par la culture d’un autre pays, personnes possédant une double nationalité… À l’image du nom de l’entreprise « Caboclo » (en brésilien, c’est le nom du métissage du Blanc et de l’Indien), la mode éthique est liée à ce respect entre les peuples et à l’intérêt pour les autres cultures et leur savoir-faire.

Il n’y a pas seulement échange de techniques mais aussi des valeurs. Pour Naia Rico, styliste danoise engagée d’Article 23, « ce que l’on porte est le reflet de qui nous sommes, ce que nous sommes et de la société à laquelle nous appartenons. Choisir et porter une mode de confection éthique est une responsabilité de haute importance. Pour l’avenir de tous. » Cette année, chez Article 23, c’est le « jersey de soie non violente » qui est à l’honneur. Un filament de soie tissé ou tricoté à partir du cocon après que le papillon a pris son envol, évitant ainsi l’étape d’étouffage qui consiste à ébouillanter les cocons, lors de l’extraction du filament de soie.

La mode éthique répond aux standards internationaux du commerce équitable et de l’agriculture biologique. Pour développer le concept de mode éthique et de le sortir de sa marginalité, il semble nécessaire de créer une « charte de fabrication éthique » des vêtements. Un socle qui permettrait une lisibilité plus grande pour les consommateurs. « Beaucoup de consommateurs semblent presque faire une exception pour tout ce qui concerne la mode […] ils ne veulent que du plaisir de la mode, beaucoup de choix des couleurs, tout ce qui pourrait nier une consommation responsable de la mode. » Tel est le constat dressé par une enquête de l’Institut français de la mode.

La mode éthique va-t-elle permettre d’inverser la tendance ?